Le malaise des Rwandais avec l'anglais, langue officielle
Dans l'ancienne colonie belge, devenue indépendante en 1962, de nombreux Rwandais ne cachent pas leur préférence : « Nous sommes attachés au français ». Mais, depuis 2010, le Rwanda a délaissé le français au profit de l'anglais comme langue de l'enseignement et de l'administration.
Le passage à l'anglais a bouleversé les habitudes des habitants du pays. Aller à la banque, écouter la radio ou regarder la télévision, où les émissions diffusées sont en anglais, relève aujourd'hui de l'impossible pour de très nombreux Rwandais. « Ce changement est ridicule avec ce qu'il implique », dénonce ainsi Frédéric, un habitant de Kigali, bien obligé de s'y mettre.
« Inopiné et brutal »
Le chantier est surtout considérable dans l'éducation où la pénurie d'enseignants a poussé le Rwanda à recruter, cette année, quatre mille professeurs dans les pays anglophones voisins, au Kenya et en Ouganda. Mais la demande peine à être satisfaite.
« En plus de manquer de professeurs compétents, le pays souffre d'insuffisance de matériels pédagogiques en anglais », rapporte l'un des cadres du parti de l'opposition FDU-Inkingi, très critique sur ce changement décidé par le président Paul Kagamé. Adopter l'anglais, « la langue du commerce » selon ce dernier, devait permettre au pays de coller à l'économie mondiale. Mais la méthode employée aurait dû être différente.
« Le remplacement du français par l'anglais a été inopiné et brutal, effectué quasiment du jour au lendemain », dénonce-t-on au FDU-Inkingi. L'initiative rwandaise, dont la réussite reste à démontrer, semble pourtant faire des émules parmi les pays d'Afrique francophone. Le président gabonais Ali Bongo Ondimba s'est ainsi rendu à Kigali le week-end dernier. Il souhaitait avoir un aperçu du bilinguisme au Rwanda : l'anglais pourrait, en effet, devenir la seconde langue officielle au Gabon, après le français.
Arnaud BEBIEN.