L'Ouganda, l'autre pays de la bière

Paru le 15 Avril 2013
dans Ouest-France
Localisation : Afrique

Des clubs branchés de la capitale, Kampala, aux montagnes et forêts tropicales de l'Ouest : la bière coule plus ou moins partout en Ouganda. Ce pays d'Afrique de l'Est détient le titre officieux de champion d'Afrique pour la consommation de mousse par habitant. 6,5 litres par an, selon l'Organisation mondiale de la santé. Il occupe ainsi le septième rang mondial, derrière la République Tchèque et l'Autriche mais devant l'Allemagne ou la France.

Les pays voisins de l'Ouganda en consomment eux aussi mais dans des quantités très inférieures. Alors pourquoi manifeste-t-on, ici plus qu'ailleurs, cet intérêt pour la bière ? « Il y a un vrai problème avec l'alcool en Ouganda », explique la chercheuse américaine en neurosciences Sharon Wilsnack, qui a étudié la question sur place. Elle fait notamment le lien avec « le fort taux de chômage chez les jeunes, près de 50 % ».

D'autres y voient une culture ancrée. « La bière artisanale, surtout à base de banane, existe en Ouganda depuis de nombreux siècles sur les plateaux ruraux, entre 1 000 et 2 000 m d'altitude », explique le professeur Rubaihayo, du département d'agriculture de l'université Makerere de Kampala.

Une gourde à la ceinture

Pour obtenir le fameux breuvage, détaille-t-il, les paysans laissent fermenter une semaine les bananes dans un cylindre en bois, avant de les piétiner. Le jus qui s'en extrait incube ensuite sur le feu deux à quatre jours. Une fois prête, la bière flirte largement avec les 10 degrés.

Dans l'Ouest de l'Ouganda, « la boisson est souvent versée dans une gourde, attachée à la ceinture, et bue à la paille. Du coup, elle peut être consommée partout », dévoile le professeur Mwesigye, auteur d'un ouvrage sur le sujet. En ville, notamment à Kampala, la bière est omniprésente, des bars et restaurants aux maisons, pour les mariages, les anniversaires. Pour se démarquer, on consomme aussi des bières importées d'Europe ou d'Afrique du Sud, dont les prix représentent au moins le double de celles produites dans le pays, vendues entre 0,50 centime et 1 ?.

La bière, c'est aussi du travail et des revenus assurés pour 9 000 paysans. Ils se sont spécialisés dans la culture du sorgho depuis que les deux brasseurs privés du pays s'approvisionnent directement chez eux pour réduire les coûts de fabrication, notamment d'importation de malt. C'est le cas de Philip, qui chérit la bière au sorgho pour « son goût moelleux ». Il est aussi fier d'envoyer ses deux enfants à l'école avec les 250 ? que lui rapportent chaque année les récoltes.